Le critique de cinéma, historien, enseignant et scénariste mexicain Tomas Perez Turrent est mort à Mexico, mardi 12 décembre. Il avait 69 ans. Il se considérait comme un disciple d'Henri Langlois depuis qu'il avait travaillé auprès du fondateur de la Cinémathèque française, durant les années 1960, à Paris, où il avait épousé l'Anglaise Gillian Turner.
Tomas Perez Turrent est né à San Andres Tuxtla (Etat de Veracruz) le 15 décembre 1937. Sa première vocation est la tauromachie, qu'il abandonne pour entrer en faculté de philosophie et lettres, autant de choix qui suscitent l'incompréhension de ses parents.
En fait, il consacrera sa vie au cinéma. D'abord comme critique, métier qu'il exercera dans la presse quotidienne mexicaine (trente-trois ans à El Universal) et dans les revues spécialisées, au Mexique et à l'étranger. Collaborateur, puis correspondant de Positif, il écrit aussi pour l'International Film Guide. Lié à la fois à la filmothèque de l'Université nationale autonome de Mexico et au centre de recherches et d'enseignement cinématographiques de l'université de Guadalajara, il enseigne dans les écoles professionnelles du Mexique.
DÉFI À LA CENSURE
Auteur d'une monographie sur Buster Keaton (1991), Perez Turrent était le coauteur d'un ouvrage maintes fois réédité et traduit : Conversations avec Luis Buñuel : il est dangereux de se pencher au-dedans (en français aux éditions des Cahiers du cinéma, 1993).
Son goût de l'histoire l'amena à effectuer des recherches sur le prestigieux studio Churubusco, à Mexico, véritable usine à rêves (La Fabrica de sueños, 1985). Il est un des principaux auteurs de Le Cinéma mexicain (éditions du Centre Georges-Pompidou, 1992), devenu un ouvrage de référence aux Etats-Unis dans sa version anglaise. Ami des jeunes cinéastes des années 1960, notamment ceux qui avaient étudié à l'Institut des hautes études cinématographiques (Idhec), à Paris, comme Felipe Cazals, Paul Leduc et Rafael Castañedo, il participe aux activités du groupe "Cine independiente" (1969), formé par Cazals, Castañedo et Arturo Ripstein.
Il devient un des scénaristes de cette génération et défie la censure tatillonne de l'après-1968 avec Canoa et Las Poquianchis, réalisés tous les deux par Cazals en 1976. Il signe le scénario de deux films du Chilien Miguel Littin, Alsino et le condor (1982) et Sandino (1990), qui témoignent de leur enthousiasme pour la révolution sandiniste au Nicaragua.
A Mexico, il y a quelques mois, Tomas Perez Turrent ne dissimulait pas sa fierté devant la première édition en DVD de Canoa. Figure respectée de la critique internationale, il était un habitué du Festival de Cannes. Dès qu'il s'attablait avec ses "cuates" (amis), il retrouvait son ironie et sa verve. C'est un passeur qui disparaît.